grossesse pour autrui

C’est une onde de choc mondiale ! Le 24 juin 2022, la Cour suprême américaine est revenu sur l’arrêt Roe vs Wade qui garantissait depuis 1973 d’un point de vue fédéral aux Etats-Unis le droit des femmes à l’avortement. Il reviendra donc à chacun des 50 états américains de déterminer si l’Interruption volontaire de grossesse et l’interruption médicale de grossesse constituent une pratique légale. Et le cas échéant les conditions dans lesquelles elles pourront se faire. Cela a rapidement conduit en France, de nouveaux projets visant à inscrire dans la constitution ce droit capital dans la lutte des femmes pour leur liberté reproductive.  

Le rapport entre l’interruption volontaire de grossesse et la gestation pour autrui aux USA

Aux Etats-Unis, le rapport entre l’interruption volontaire de grossesse et la gestation pour autrui , qui est le fait de mener à bien une grossesse pour d’autres personnes ne semble pas direct. Et pourtant, de nombreux parents se posent les questions suivantes : est-ce que la fin du droit constitutionnel à l’IVG impactera leur parcours de GPA ?  Quelles sont les modifications et les changements à effectuer dans leur contrat avec les mères porteuses et les cliniques ? Toutes ces questions n’ont pas encore de réponses, car la situation peut encore changer. Mais, la bonne nouvelle, c’est que les professionnels de la gestation pour autrui aux Etats-Unis ont déjà anticipé le renversement de ce droit et évaluer comment s’en prémunir.  

Concrètement, la fin de la protection à un niveau fédéral du droit à l’IVG affecte la pratique de ce traitement contre l’infertilité de trois manières :  

  • les options disponibles pour les parents d’intention et la mère porteuse dans le cas malheureux où une décision d’interruption médicale de grossesse se profilerait. 
  • Des problèmes de bioéthique quant au statut juridiques des embryons stockés en attente de transfert d’embryon. 
  • Une relecture plus globale du droit au respect de la vie privée concernant les droits reproductifs

Tout cela vous parait un peu abstrait ! Ne paniquez pas. Revenons sur ces concepts théoriques avec des exemples et des scénarios possibles. Ces scénarios possibles sont bien sûr des scénarios qu’on ne veut pas voir advenir en tant que parents d’intention. Mais ils demeurent une chance marginale qu’ils adviennent.  

Le cas d’une interruption médicale de grossesse (IMG) pendant une GPA 

Deux parents d’intention, Camille et Sacha ont enfin trouvé la mère porteuse idéale, Samantha. Samantha habite au Texas.  Après avoir signé avec elle, le contrat de gestation pour autrui, Samantha se rend en Californie pour le transfert d’embryon. Ce dernier débouche sur une grossesse.
 
Cependant, après quelques semaines, elle est diagnostiquée avec un cancer invasif nécessitant un traitement très rapide et Samantha se décide à pratiquer une IMG.  

Ne disposant plus de la protection constitutionnelle du droit à l’avortement, le Texas a interdit l’IVG après 6 semaines. Une autre loi permet à ses voisins s’il suspecte un IVG d’en dénoncer la pratique auprès des autorités contre une récompense de 10 000 dollars américains. L’agence ayant mis en relation Camille, Sacha et Samantha est basée au Texas. 

Conséquence : avant de prendre cette décision, Samantha, Camille et Sacha auront consulté leurs avocats respectifs pour s’assurer des dernières évolutions légales sur le sujet. Samantha devra prendre l’avion pour aller pratiquer une interruption médicale de grossesse dans un état favorable à la pratique, comme la Californie. L’agence basée au Texas n’agira pas comme intermédiaire entre les parents d’intention encore en France et la mère porteuse. Sur conseil de l’agence, Samantha n’avait publié aucune information sur ces réseaux sociaux, afin de se prémunir de toute délation éventuelle. 

Le scénario de Camille et Sacha est représentatif de la très très  faible probabilité d’avoir recours à une IVG pendant une grossesse. En effet, il n’y a pas dans la pratique d’IVG parce que des mères ont changé d’avis sur leur volonté de mener à bien une grossesse. Le but de la gestation pour autrui, mener à bien une grossesse est claire et défini à l’avance pour tous les acteurs.  
 

Dès lors, il y a trois facteurs qui amènent à réfléchir à la fin prématurée d’une  gestation pour autrui : 

  1. Une anormalité génétique : ce risque est de plus en plus faible étant donné les diagnostics génétiques pré-implantatoires réalisés à partir d’une cellulle de l’embryon (de son futur placenta), in vitro, avant le transfert d’embryon. Avec ce test, il est par exemple possible de savoir quel embryon est atteint d’une maladie chromosomique. 
  1. Un changement dans la condition médicale de la mère porteuse nécessitant pour sa santé un arrêt de la grossesse. Dans l’exemple de Samantha, un cancer invasif. 
  1. Une malformation sévère (par une cardiopathie congénitale, c’est à dire une malformation du coeur détecté au stade de l’embryon) incompatible avec la vie.  

Et ces risques sont de plus en plus minimes. D’autant plus que les parents d’intention effectuent de plus en plus un diagnostic pré-implantatoire et que l’examen médical pour valider la candidature d’une mère porteuse est très poussé et rapproché de la date du transfert d’embryon.  

Le statut juridique des embryons 

Les états américains les plus conservateurs (dans le centre des états-Unis) avaient anticipé le revirement de la cour suprême américaine et déjà adopté des lois contraignantes qui prendraient effet dès la fin de la protection consitutionnelle du droit à l’IVG. Certains ont adopté des lois donnant le statut de personne (personhood) dès le moment de la conception. Défini de manière floue, il pourrait être étendue ainsi dès la fécondation entre deux gamètes.  Ce statut de personne pose de nombreuses questions sur les procédures possibles sur ces gamètes. Une fois cryogénéisées, si les parents d’intention ne les utilise pas, ont-ils le droit de les détruire ? Ou cela sera-t-il considérée comme avoir mis fin à la vie d’une personne.  

Reprenons  nos petits personnages ! Samantha s’est rendue dans une clinique de fertilité en Californie pour que le transfert ait lieu. Ce choix n’est pas le fruit du hasard. Sacha et Simon ont hésité entre deux cliniques pour créer leur embryons : une située en Caroline du Sud une située en Californie. Sur le conseil de leurs avocats, ils ont privilégié une clinique en Californie car une loi conférant le statut de personne aux foetus est en cours d’examen en Caroline du Sud. 

De plus en plus de droits protégés par les Etats et non au niveau fédéral 

Cette relecture de l’amendement 14 de la constitution américaine de manière littérale remet en cause les interprétations historiques que la Cour suprême avait donné quant au droit au respect de la vie privée. D’autres droits, comme celui du mariage pour tous ou de l’accès à la contraception, acquis également aux Etats-Unis par des arrêts de la cour suprême pourraient alors être remis en cause par cette majorité de juges conservateurs.

Pour se prémunir d’un revirement de situation sur l’arrêt de la Cour suprême garantissant le droit au mariage pour les couples de même sexe, une proposition de loi protégeant ce droit est à l’examen par le congrès américain avec le soutien (inattendu) de plusieurs représentants républicains. Cette orientation du congrès semble donc aller dans le bon sens de ce point de vue. Plus d’information dans cet article de Slate.fr, et du Monde.

Nous n’avions précédemment pas précisé le sexe de Camille et Sacha. Si Camille et Sacha étaient deux hommes mariés, l'arrêt Obergefell v. Hodges de 2015 garantit la reconnaissance de leur mariage dans tous les Etats-Unis. Ils auraient ainsi pu être mis en contact avec Samantha au Texas, tout comme avec Jenny habitant dans l’état de Washington.  En revanche, un transfert d'embryon dans un état disposant d'une législation très protectrice de la GPA, comme la Californie leur donnerait une assurance supplémentaire de se voir reconnus comme les deux papas dès la naissance. 

Vers une pratique de la GPA concentrée sur les états libéraux  

Comme nous le disions précédemment, il est encore trop tôt pour tirer des conséquences précises sur la façon dont la fin de la protection constitutionnelle au niveau fédéral du droit à l’IVG impactera la pratique de la GPA aux Etats-Unis.  

Cependant, ce qu’il est possible de pressentir, c’est que cela accroitra l’attractivité des états plus progressistes en termes de droits reproductifs. Notamment quant au choix des cliniques de fertilité. Elles étaient déjà très présentes sur les côtes Est et Ouest. Et cette tendance risque de se poursuivre. Par ailleurs, les parents d’intention devant anticiper avec plus d’attention l’éventualité d’une IMG, ou LGBT+ seront plus enclins à chercher une mère porteuse dans un état plus libéral également.