La loi française interdit le recours à une mère porteuse en France.
Depuis un arrêt de la cour de Cassation en 1989 et la première loi sur la bioéthique en 1994, la gestation pour autrui est interdite en France. Alors même qu’avant 1989 une pratique éthique de la GPA s’organisait de manière associative.
Alors que la libéralisation des moeurs poussait certains pays occidentaux à légaliser la gestation pour autrui dans un cadre juridique spécifique, la France a toujours persisté dans son interdiction de la gestation pour autrui.
Cependant, avec la mondialisation, de parents d’intention français ont pu comparer l’accès aux traitements médicaux contre l’infertilité à l’étranger et se sont rendu dans des pays où la GPA est légale pour avoir recours à une mère porteuse.
Le problème qui s’est posé concernait l’état-civil de ces enfants nés à l’étranger. La France s’est pendant longtemps entêtée à les ignorer jusqu’à hériter du surnom des “fantômes de la République”. Peu flatteur pour un pays qui a inscrit l’égalité entre tous dans sa devise nationale !
Par ailleurs, l’ouverture du mariage au couple de même sexe a multiplié les cas en ouvrant la possibilité aux couples gays de faire famille “officiellement” notamment par la possibilité d’adopter l’enfant du conjoint.
La France a rarement pris l’initiative. La plupart du temps, les progrès et les avancées pour les familles issues de GPA ont été contraintes par des arrêts de diverses juridictions françaises et internationales.
Derrière ce véritable feuilleton au cours de ces trentes dernières années, il nous semblait important chez GPA USA de revenir sur les raisons de cette interdiction française et les péripéties et méandres juridiques qui affectent aujourd’hui encore ceux qui rentrent de l’étranger avec leurs enfants né-e-s de GPA.
Qu’est-ce qu’une gestation pour autrui ?
Avant de parler plus avant de cette pratique en France, il convient de définir ce qu’est la gestation pour autrui. Selon le dictionnaire de Cambridge : La gestation pour autrui est « l’action d’une femme qui a un bébé pour une autre femme qui ne peut pas le faire elle-même ».
Cette courte définition peut sembler simple, mais en réalité, elle est incomplète. En effet, la gestation pour autrui a été très tôt ouverte aux Etats-Unis aux hommes célibataires et aux couples de même sexe. Les améliorations scientifiques dans le domaine de la procréation médicalement assistée ont mis quasiment fin à la GPA traditionnelle. Elle est désormais dite gestationnelle : l’enfait à naitre n’est pas lié génétiquement à la porteuse, et ce grâce à l’utilisation du matériel génétique des parents d’intention ou d’une donneuse d’ovocyte.
Il faudrait donc redéfinir la gestation pour autrui comme : l’action d’une femme de porter un bébé, qui ne lui est pas génétiquement lié, jusqu’à la naissance, pour des parents d’intention en couple ou célibataires.
Le Recours aux mères porteuses à l’encontre des principes fondamentaux du droit français
Les principes juridiques sont fondamentaux pour comprendre la jurisprudence et l’interdiction de la gestation pour autrui en France.
Le principe d’indisponibilité de l’état de la personne
Le premier est le principe de « l’indisponibilité de l’état de la personne« . Il stipule que les personnes ne peuvent pas changer leur situation matrimoniale, de nom, de sexe, de nationalité de par leur seule volonté mais uniquement si la loi (une procédure judiciaire) permet ces changements.
Le problème qui peut se poser avec la GPA est que la mère présumée ne sera pas celle qui a donné naissance. Dans une stricte interprétation stricte, cela peut être considéré comme une modification illégale de l’état d’une personne, c’est-à-dire question de la lignée. C’était l’argument de la Cour de Cassation française en 1989 et 1991.
À noter que c’est en vertu de ce même principe que la Cour de Cassation française a refusé le changement du sexe sur l’état civil des personnes transsexuelles de 1975 à 1992. Mais elle a aussi été condamnée par la Cour Européenne des droits de l’homme sur ce sujet-là.
Ce principe d’indisponibilité de l’état de la personne est lié au principe de preuve unique de l’accouchement (mater sempre certa est) pour définir une filiation maternelle hors adoption.
Notons toutefois que ce principe date du droit romain et qu’il est devenu totalement obsolète avec l’évolution des technologies en termes de procréation médicalement assistée car la mère porteuse n’est pas la mère biologique de l’enfant à naitre dans une GPA gestationnelle.
Le principe d’indisponibilité du corps humain
Le deuxième principe important est celui de l' »indisponibilité du corps humain« . Selon lequel le corps humain ou ses produits ne peuvent faire l’objet d’un contrat. Ce principe est le principal argument utilisé pour interdire la gestation pour autrui en France. En effet, supposons que l’on ne puisse pas conclure un contrat avec le corps humain comme objet de transaction. Dans ce cas, il est compréhensible qu’un contrat de maternité de substitution en France puisse être interdit. Et par conséquent, considéré comme invalide.
Ce principe a également été utilisé par la Cour de Cassation en 1989 et 1991. Et il est toujours d’actualité lorsque la Cour estime nécessaire de rappeler que la gestation pour autrui est interdite en France.
Chronologie de l’interdiction de la GPA en France
La première décision importante concernant la gestation pour autrui en France est celle de la « Cour de Cassation le 13/12/1989 (n° 88-15-655). Dans cette décision, fondée sur l’indisponibilité du corps humain et de l’indisponibilité de l’état de la personne, la Cour a décidé d’interdire complètement les mères porteuses en France et a rendu nuls tout contrat correspondant. Comme base juridique, cette décision se réfère à l’article 1128 du code civil français. Code civil français qui prévoit que seules les choses commerciales peuvent être l’objet d’un contrat. Ansi, le corps humain, en n’étant pas considéré comme un bien commercial, est exclu.
Le 31/05/1991 (n°90-20105), la Cour de Cassation, dans sa formation la plus élevée, a jugé que le corps humain n’était pas un objet commercial.
Un autre argument contre la gestation pour autrui en France est que l’alternative de l’ institution de l’adoption » peut aider les couples à avoir un enfant.
Pour clarifier la législation française sur toutes ces nouvelles questions sur la gestation pour autrui et les autres moyens de procréation assistée, le parlement français a adopté en 1994 une loi sur la bioéthique (loi n°94-653). Cette loi a ajouté l’article 16-7 au Code civil, qui interdit le contrat de gestation pour autrui. Elle considère cette interdiction comme une disposition d’ordre public qui implique l’impossibilité d’aller au-delà par contrat.
Comment France traite-t-elle une GPA effectuée à l’intérieur du pays ?
L’interdiction civile trouve son origine dans les premiers arrêts de la Cour de Cassation en 1989 et 1991.
L’effet de cette jurisprudence est qu’un contrat « par lequel une femme accepte, même gratuitement, de concevoir, de porter puis d’abandonner un enfant est contraire aux principes d’indisponibilité du corps humain et d’indisponibilité de l’état de la personne ».
Sanction : ce type de contrat de contrat est donc nul. Il n’est pas valide.
Puis, l’interdiction de la gestation pour autrui a été établie dans le Code civil français en 1994, avec l’article 16-7.
Selon le point de vue du droit pénal, si quelqu’un s’engage dans un processus de maternité de substitution en France, est confrontée à plusieurs délits.
- le délit d’insémination artificielle (le fait de procéder ‘insémination hors d’un acte médical légal encadré) interdit par l’article 511-12 du code pénal français,
- l’incitation à l’abandon d’un enfant interdit par l’article 227-12 du code,
- le délit de substitution d’enfant (lorsqu’une femme déclare sur l’acte de naissance qu’elle est la mère de l’enfant mère d’un enfant dont elle n’a pas été enceinte) sera puni par l’article 227-13 du code.
Parfois, les juges peuvent se montrer compréhensifs lorsqu’ils sont confrontés à des affaires de maternité de substitution en France.
Ainsi, le tribunal correctionnel de Bordeaux a condamné en 2015 un couple d’hommes à une amende d’un montant de 7500 euros pour le délit d’incitation à l’abandon d’enfant. Le couple avait fait venir la mère porteuse de nationalité bulgare résidant à Chypre (où la GPA n’est pas régulée) en France pour l’accouchement. Cependant, l’avocat des parents note que la condamnation a été mesurée et que l’enfant vit toujours au côté de son père biologique. Peut-être le signe que le juge n’était pas si à l’aise avec la loi qu’il devait appliquer.
Un développement intéressant dans le futur seront les futurs jugements prononcés dans le cadre de la plainte de l’association anti GPA “Juristes pour l’enfance” accusant de provocation à l’abandon de l’enfant cinq couples de parents d’intention français ayant fait venir accoucher sous X leurs mères porteuses ukrainiennes en France alors que le pays était alors en état de guerre.
Et pour les GPA qui se font à l’étranger ?
En France, le droit pénal ne peut être applicable que pour les actes commis sur le territoire français.
Par conséquent, une infraction à la loi pénale française, commise dans un autre pays qui n’interdit pas la gestation pour autrui, ne peut être condamnée en France.
Une GPA réalisée aux Etats-Unis ne peut pas être condamnée en France.
C’est pourquoi de nombreux couples choisissent d’aller à l’étranger pour avoir accès aux services de maternité de substitution. Ce phénomène de société a généré un vaste débat sur le retour de l’enfant en France.
Le débat s’est cristallisé autour de la transcription intégrale des actes de naissance étranger.
Pour résumer la situation, un enfant né de GPA à l’étranger, notamment aux Etats-Unis dispose d’un acte de naissance où les parents d’intention (une mère et un père, deux pères, deux mères) peuvent figurer. En cas de suspicion de GPA, la France a pendant longtemps refusé ces transcriptions. La cour de cassation l’y a contrainte pendant un temps. Mais le gouvernement a finalement imposé dans sa réforme de la loi de bioéthique de passer par une procédure d’adoption ou une exéquatur de jugement d’adoption pour établir la filiation.
Les détails d’une véritable saga juridique
- Le 4/05/2011(n°348 Le 4/05/2011(n°348778), le Conseil d’Etat s’est penché sur la question des mères porteuses à l’étranger. Il a jugé que les consulats doivent donner un « laissez-passer » à un enfant né par mère porteuse à l’étranger. Et ce pour lui permettre de résider en France avec les parents d’intention.
- La Cour évoque l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant. On peut voir, ici, une prise en compte des enfants nés par GPA au nom de leur intérêt supérieur.
- Le 17/05/2013, la France a autorisé le mariage pour les couples de même sexe. Et par conséquent, elle a leur a permis d’avoir accès à la procédure d’adoption. Cette ouverture a eu plusieurs conséquences sur la perception juridique de la gestation pour autrui en France, combinées à des décisions supranationales.
- Le 26/06/2014, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu deux décisions fondées sur la problématique des mères porteuses en France. Il s’agit des décisions Menesson c. France et Labassé c. France. Les deux décisions ont considéré que la France avait violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) reconnaissant le droit à la vie privée des enfants. Se fondant sur l’intérêt supérieur de l’enfant et sur le droit à la vie privée, la cour a jugé que le rejet d’une transcription d’un acte de naissance étranger établi à l’étranger, fondé sur le fait que le que le parent d’intention n’est pas le parent réel, constituait un obstacle à la reconnaissance de la filiation de l’enfant, et donc une violation de l’article 8 de la CEDH.
- Toutefois, la Cour n’a pas condamné la France pour l’interdiction de la gestation pour autrui, considérant qu’il s’agissait d’une souveraineté de l’État (doctrine de la « marge d’appréciation »).
- Le 12/12/2014, le Conseil d’État s’est à nouveau prononcé pour protéger l’intérêt de l’enfant. En effet, une circulaire publiée par le gouvernement français a demandé aux consulats de délivrer des certificats de nationalité français aux enfants nés à l’étranger de parents ayant la nationalité française. Telle que définie dans le Code civil français (article 18 qui stipule que celui qui a au moins un parent français est français).
- Une association contre la gestation pour autrui a contesté cette circulaire devant le Conseil d’Etat. Eet le tribunal, de nouveau, a statué à nouveau en se basant sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Et notamment le droit à la vie privée (article 8 de la CEDH). On peut voir le lien de cet arrêt avec les décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme de 2014.
- Quelques mois plus tard, la Cour de Cassation le 3/07/2015 (décision n°14-21223) a jugé que la gestation pour autrui à l’étranger ne constitue pas une fraude à la loi en imposant la transcription d’un acte de naissance étranger. Si celui-ci est conforme aux dispositions du code civil français (article 47). Pourtant, toutes ces évolutions axées sur l’intérêt de l’enfant n’ont pas été pleinement considérées par certaines juridictions françaises. Car la référence au parent d’intention au lieu de la mère biologique est (et est toujours) considérée comme un obstacle à la transcription intégrale.
- Le 21/07/2016, la Cour européenne des droits de l’homme a de nouveau condamné la France dans l’affaire Foulonet Bouvet contre France. Une fois encore, la décision était fondée sur le droit de l’enfant à la vie privée. La Cour a jugé que la France n’avait pas suffisamment considéré l’obligation de transcription de l’acte de naissance. Ainsi, en 2015, la cour d’appel de Rennes n’a pas accepté de transcrire un acte de naissance lorsque le parent d’intention y est mentionné. La Cour européenne des droits de l’homme a de nouveau condamnée la France le 19/01/2017 sur le même fondement dans la décision Laborie contre France.
- Le 18/11/2016, le législateur français a introduit les articles 452-1 à 452-6 dans le code de l’organisation judiciaire. Ces articles permettent de de demander au consulat de transcrire, entre autres, un acte de naissance ayant fait l’objet d’un rejet français devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
- Le 5/07/2017, la « Cour de cassation » (n°16-16455) s’est prononcée en faveur d’une adoption simple (par opposition à l’adoption plénière) d’enfants issus d’une gestation pour autrui enfants si la mère porteuse et le père étaient d’accord. Par ailleurs, le tribunal s’est prononcé pour une transcription partielle de l’acte de naissance (décision n°16-16901). Le tribunal n’a autorisé la transcription que pour le père biologique. Dans l’argumentation développée, nous pouvons voir que le tribunal a voulu décourager les voyages de maternité de substitution et souhaitait protéger l’enfant et la mère porteuse.
- Le 10/04/2019, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un avis consultatif sur l’état de la GPA en Europe. La Cour reconnaît l’absence de consensus. Mais elle considère que, sur la base du respect de la vie privée, les États devraient permettre la reconnaissance de la lignée avec la mère intentionnelle. La Cour reconnaist à la France la liberté de ne pas procéder à la retranscription d’un acte de naissance d’un enfant né de GPA à l’étranger. Tout en lui demandant de reconnaitre le lien de filiation par une modalité tierce.
- Le 31/07/2019, le Conseil d’État (décision n°411984) a adressé un rappel au ministre de l’Intérieur. Soulignant que l’acte de naissance étranger de l’enfant, même non transcrit, exprime la filiation avec les parents mentionnés. D’autre part, le 4/10/2019, la Cour de Cassation a reconnu la transcription intégrale d’un tel certificat.
Cependant, le gouvernement dans sa réforme de la loi de bioéthique de 2021 a rétropédalé sur cette avancée. Il impose de nouveau l’adoption pour établir la filiation du parent non-biologique.
Les contradictions de la position de la France sur la gestation pour autrui
Certaines voix ont tenté de faire valoir que la position française sur la maternité de substitution est au moins ambiguë, et au pire contradictoire. En effet, en refusant la transcription d’un acte de naissance étranger au motif qu’il n’établira pas correctement la filiation, les juridictions françaises tentent de faire prévaloir la réalité de la naissance de l’enfant.
En revanche, elles laissent la possibilité de créer une lignée par l’adoption. Ce qui ne représente certainement pas la réalité de la naissance. Par conséquent, nous pouvons affirmer que cette différence de traitement entre les deux institutions est maintenue afin d’éviter l’acceptation de facto de la maternité de substitution.
Cependant, ce n’est pas le seul fait contradictoire soulevé pour dénoncer l’interdiction de la maternité de substitution.
En effet, lorsqu’il s’agit du principe de l’indisponibilité du corps humain, certains peuvent affirmer que « louer » un utérus revient à la même chose que de « louer » des bras pour un travail plus « régulier ». Dans la même perspective, les essais cliniques (qui consistent à tester des médicaments sur son corps) sont légaux, encadré par un contrat et ouvrent même droit à une indemnisation.
Vers quoi s’oriente le débat sur la GPA en France ?
Ce débat de la légalisation de la gestation pour autrui touche au domaine de la liberté individuelle : les femmes sont-elles libres de disposer de leur corps tel qu’elles l’entendent ?
En matière de maternité de substitution, certains systèmes juridiques nationale acceptent qu’être enceinte pour un autre couple puisse être une décision réfléchi, libre et honorable qu’une femme fasse sur son corps. Tandis que d’autres considèrent que des concepts tels que la dignité et l’éthique ne peuvent se concilier avec cette expression particulière de la liberté personnelle.
Ce débat est large et encourage les arguments en faveur de la légalisation la gestation pour autrui. Pour autant ce même débat attise sème le doute dans le mouvement féministe et attise la peur des conservateur de voir la société évoluer dans une direction qu’ils ne souhaitent pas.
Il est donc très possible que la position française sur la gestation pour autrui n’évolue pas dans le sens de la légalisation à court terme
Cependant et grâce à la Cour Européenne des Droits de l’homme, l’intérêt supérieur de l’enfant occupe désormais une plus grande place dans les décisions de la justice en France comme dans la procédure de divorce ou la volonté des couples d’avoir un enfant. Ce qui semble donc possible d’espérer, c’est que les enfants se voient reconnaitre leur entière identité (avec deux parents) et qu’ils ne soient plus les « victimes » collatérales de cette interdiction.
En attendant, les Etats-Unis continuent à constituer une destination sûre pour les parents souhaitant avoir recours à une mère porteuse !