La partie de l’iceberg qu’on ne voit pas !
Ce sont les mots qui revenaient dans mon esprit, après mon entretien avec Mirjam, femme porteuse et coordinatrice des admissions pour Surrogate First. En tant que parent d’intention au milieu d’un deuxième parcours de GPA, je pensais bien connaitre le secteur. C’était sans la connaitre. Avec pour particularité d’avoir été femme porteuse, de travailler dans une agence et d’être de nationalité allemande, son propos vif et légèrement caustique méritait d’être retranscris au plus proche de nos échanges, sous forme d’entretien. Verbatim.
GPA USA : Pouvez-vous nous présenter votre métier ?
Je suis coordinatrice des admissions et des candidatures des femmes porteuses pour Surrogate First.
J’accompagne les femmes porteuses dans leurs procédures de candidature. Je décide si elles sont qualifiées et aptes à devenir femmes porteuses… ou non. Je mène des entretiens complets pour voir si elles conviennent à ce parcours… ou non. Nous rassemblons les pièces du dossier médical. Nous disqualifions certaines candidatures si certains éléments sont d’ores et déjà incompatibles avec une GPA.
Parfois, nous entendons que certaines personnes ne devraient pas être femmes porteuses, mais en regardant leur dossier, tout semble OK, et on peut aller de l’avant. Parfois, nous admettons parfois des candidatures de femmes avec lesquelles nous sommes en désaccord sur la façon dont elles élèvent leurs enfants. Là n’est pas l’essentiel, elles sont tout de même de parfaites candidates à la GPA.
Dans notre agence, nous ne retenons que 10% des candidatures. Nous sommes difficiles.
Une fois matchées avec les parents d’intention, les femmes porteuses se rendent dans la clinique de fertilité pour les tests médicaux et leur autorisation finale. C’est à ce moment-là, que le coordinateur de GPA prend le relai. Il s’assure de tous les aspects administratifs avec les avocats et le compte sous séquestre.
En fait, je préfèrerais même faire ce travail de coordination de la GPA en aval. La partie admission est parfois insensée ! Mais comme je suis très stricte avec les mères porteuses, c’est là où je suis le plus utile.
Dans mon esprit, certes très européen, la GPA, c’est faire quelque chose d’exceptionnel pour d’autres personnes. D’une certaine manière, c’est une responsabilité. Une procédure d’admission, ça peut prendre un an ! Il faut s’engager ! Donc si je demande à une candidate son permis de conduire, et que je doive le demander quatre fois, c’est non ! Je n’ai pas de patience, je suis allemande (rires !)
Quelles sont les motivations les plus courantes des femmes qui veulent devenir porteuses ? Quelles sont celles que vous recherchez en tant que responsable des admissions ?
De ma propre expérience de femme porteuse, j’ai commencé à voir une autre vision du secteur de la GPA. J’ai toujours pensé que le cœur devait être la motivation n°1 pour une GPA. Et que la compensation devait être la motivation N°2, et ce n’est pas forcément le plus commun dans le secteur.
La première fois que j’ai candidaté, je ne me sentais pas forcément à l’aise de poser des questions. Combien et comment la compensation allait s’organiser ? e si je pouvais demander quelque chose en plus ou en particulier.
Alors dans mon métier, je peux voir les femmes qui souhaitent devenir porteuse pour l’argent, même si personne ne l’admettra comme tel.
Par exemple, pendant l’interview, il s’agit d’une de nos questions. Nous demandons : « qu’est-ce que vous comptez faire de la compensation que vous allez recevoir en tant que femme porteuse ? » Une fois le montant de la compensation présentée, on peut voir celles qui sont principalement intéressées par cet aspect des choses. Par exemple, des réponses comme « Oh, mais dans l’autre agence, je peux avoir 5000 USD de plus » ou « Est-il possible d’avoir un peu plus ? » sont très révélatrices.
Dans un entretien sur Zoom, il est possible de deviner très rapidement le caractère et les intentions des personnes en face de vous. On peut voir leurs expressions faciales. C’est facile de lire dans les yeux des gens.
Nous posons d’abord la question : « Quel type de relation voulez-vous développez avec les parents d’intention, qu’est-ce qui vous importe ? ».Ensuite, nous posons ensuite la question de l’argent. Si là, leurs yeux s’illuminent et qu’elles répondent : « oh oui, alors, combien est-ce que je vais être payée ? » C’est révélateur.
J’aime quand une candidate mère porteuse est honnête, franche. Je préfère une réponse comme : « Je souhaite vraiment aider à former une famille, j’aime bien être enceinte et en même-temps, je suis consciente qu’il y a une compensation et voici ce que je compte en faire, etc. »
L’argent est donc un sujet important lors des entretiens. Cet aspect devient-il plus sensible avec l’accroissement de la demande de GPA ?
Oui. Lors du processus d’admission des femmes porteuses, leurs demandes de compensation sont en effet de plus en plus élevées, car il y a une compétition entre les agences. Nous en avons discuté. Fallait augmenter ou pas ces compensations ? C’est la tendance actuelle, c’est fou ! Nous avons décidé de ne pas modifier cette compensation.
Quand les candidates vont en ligne, sur google, elles peuvent trouver 10 résultats sponsorisés avec une compensation de base à 40 000 dollars. Nous avons même eu, une candidate de 22 ans qui a demandé 70 000 dollars ! Les États-Unis sont une société conduite par l’argent !
La plupart ne vont pas regarder dans le détail de la liste des bénéfices associés. Si la compensation semble plausible, elles verront 40 au lieu de 35 et se dirigeront vers l’agence à 40.
C’est une approche très différente de celle que j’ai eue en tant que femme porteuse. J’ai regardé en détail à la compensation. Je voulais voir, si l’agence serait là pour moi et si elle me soutiendrait. Quelle serait leur aide si quelque chose devait m’arriver. J’avais besoin de comprendre les tenants et les aboutissants. Sûrement mon côté allemande !
Quelle demande a été la plus dure à gérer ?
Nous avons une personne qui voulait devenir porteuse après une transplantation d’utérus dans le cadre d’une transition de genre. Ce n’est pas possible médicalement, nous avons dû refuser. Et il s’est emporté sur les réseaux sociaux contre toutes les agences qui ne l’ont pas accepté comme porteuse.
De manière générale, qu’est-ce qui est dur à gérer dans ce processus d’admission ?
Ce que les parents d’intention ne voient pas, c’est le nombre de candidates avec lesquelles il faut batailler, argumenter quotidiennement. Par exemple, pour le surcharge pondérale, beaucoup pensent que leur corps est parfait, qu’il nest pas nécessaire de perdre un peu de poids. Mais, au final, c’est la clinique qui refusera leur dossier. Les cliniques de fertilité ont des règles, mais qui fait le méchant ? Nous, l’agence. C’est à nous faire de respecter les critères que les cliniques de fertilité définissent pour les parents d’intention.
C’est ce que les parents d’intention ne voient pas. Vous aurez peut-être une femme porteuse que nous avons accompagné pendant six mois d’un point de vue nutritionnel et sportif avec les coachs de notre agence, pour une perte de 22 kilos. Quand vous la voyez, elle est parfaite ! Si elles ont de la bonne volonté, nous pouvons les accompagner en équipe, pour qu’elles soient en forme et aptes à devenir femme porteuse.
Il y a aussi les groupes de paroles où il est possible de poser n’importe quelle question : « comment gérer les nausées matinales ? » « les piqures d’hormones sont douloureuses, y-a t-il une autre façon de procéder ? » « Je suis malade, mais je ne veux pas le dire aux parents d’intention car je ne veux pas qu’ils se sentent mal ». On essaye de répondre à chaque question et d’autres femmes porteuses expérimentées nous aident. Ces personnes expérimentées peuvent réellement leur donner des conseils. Il est toujours possible de googler les questions, mais rien n’assure la pertinence des réponses.
Dernière question : la réputation ! Est-ce que cela est important dans le métier ?
Très important. De nos jours, tout un chacun peut aller sur internet écrire un commentaire négatif, sans même vous avoir rencontré, ni être de vos clients. Ça peut détruire une activité !
De plus, le monde de la GPA est tellement petit !
Dans l’ancienne agence où je travaillais, c’était le chaos ! Tout était une question d’argent, rien ne tenait en place. Pas de sélection de femmes porteuses. S’il y avait un profil de porteuse médiocre, il y avait des cliniques et des parents d’intention similaires avec qui faire le match. S’il y avait des parents d’intention pointilleux sur les profils, c’était plus d’argent ! L’opposé de l’agence pour laquelle je travaille maintenant.
Tout le monde m’appelait à la place de la patronne de cette agence, car on savait que je pouvais m’en occuper, que ce serait bien fait. Ich schaffe das ! La propriétaire a fini blacklistée dans trois états par les avocats et de plus en plus de professionnels refusaient de coopérer avec cette agence ! Tout le monde souhaitait travailler avec moi, mais plus sous le nom de cette agence pour laquelle je travaillais. J’ai démissionné.
Je pensais en avoir fini avec les agences de GPA, j’ai commencé à chercher un autre travail dans un hôpital ou une école.
C’est une avocate spécialisée en GPA qui m’a dit : « Douée comme tu es, je ne peux pas croire que tu ne travailles plus dans le milieu » et m’a mis en contact avec la nouvelle agence pour laquelle je travaille. J’avais confiance dans cette avocate. Donc, oui, la réputation, c’est essentiel !